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21- On attend toujours le "nouveau" FREUD!

La littérature psychanalytique dans ses usages utilise de nombreux termes sujet, objet, fantasme, père, mère, être, phallus, etc. qui depuis Freud jusqu'à Lacan ne recouvrent pas toujours les mêmes significations. Comme le souligne Gérard Pommier, « depuis Freud, il existe un babélisme doctrinal si impressionnant que, bien qu’ils recourent au même dispositif, les psychanalystes disposent chacun pour leur compte de leurs propres concepts, le plus souvent évolutifs. L’inconscient reste terre de découverte et, dans ce Far West, celui qui croit découvrir un nouveau territoire le défend avec acharnement. Si bien que les notions les plus utilisées sont souvent l’occasion de divergences. » Et François Roustang, psychanalyste dissident, s'en donne à coeur joie de mettre un peu plus les pieds dans le plat :« Vous est-il arrivé de suivre le sens d’un terme freudien en vous aidant du Vocabulaire de psychanalyse de Laplanche et Pontalis ? L’expérience est toujours la même. Chaque terme, à travers toute une série de transformations, reçoit des sens variés qui, à la fin, font apparaître une contradiction, chaque terme signifie une chose et son contraire. »

 

Cet état de faits ne peut que participer à alimenter la confusion de genres et des niveaux d'interprétation des textes. Dès lors il faudra bien admettre, un jour ou l’autre, qu’un peu d'ordre ou de remise en forme dans tout cela sera plus que nécessaire si l'on veut voir progresser le dialogue entre les divers tenants plus ou moins sectaires de telle ou telle école psychanalytique. Tout ce que l'on constate aujourd'hui est l'usage «d’un vocabulaire mal défini [qui] a pour résultat un effort incessant de révision, sans qu’une solution définitive ne soit jamais atteinte. Chaque auteur se voit obligé de se référer à ses prédécesseurs, soit en admettant leur opinion soit en la contestant. Il en résulte un appareil compliqué de citations sans fin et de discussions interminables. La science physique est en constant progrès précisément parce que sa terminologie, établie une fois pour toutes et mathématiquement formulée, permet d’éliminer tout égarement d’une manière indiscutable, de sorte que chaque chercheur est à même de continuer le travail commun là où le prédécesseur l’a abandonné. Faute du privilège de s’exprimer en formules mathématiques, la psychologie devrait d’autant plus prendre soin de son propre privilège, qui est de pouvoir s’exprimer en formulations génériques, afin de définir une fois pour toutes ses concepts. Peut-être la discussion ne pourra-t-elle jamais être complètement exclue de la recherche psychologique ; en tout cas cette exclusion n’est pas possible dans l’état actuel. Aussi reste-t-il d’autant plus désirable que la discussion surgisse non pas de la contradiction des opinions émises, mais à partir d’une commune méthode d’investigation directe et vivante du phénomène psychique. Le recours à la discussion, toujours fâcheux, ne devrait jamais être pris pour autre chose qu’un pis-aller, au lieu d’être élevé au rang d’idéal méthodologique, comme c’est trop souvent le cas. »

 

Par là même, on évitera probablement la prise de pouvoir d’autres approches, plus ésotériques ou plus pragmatiques, « scientistes » pour ne pas dire réductrices qui ont fait néanmoins l’effort de se « soumettre » à une évaluation « d’efficacité thérapeutique » pour se faire reconnaître officiellement par les instances médicales et politiques. Sans les rejeter totalement, méfions-nous de ces propositions explicatives globalisantes qui prétendraient à elles seules détenir le savoir absolu. Si Freud et Lacan ont su par leur talent proposer des mythologies modernes de fonctionnement psychique, c’est qu’elles répondaient tant pour leurs auteurs que pour leurs adeptes à un besoin de compréhension et de maîtrise de la nature humaine au plus profond de sa constitution. La science psychologique attend toujours un nouveau Freud capable d'intégrer dans son corpus théoriques les données modernes apportées par les neurosciences, les sciences de la communication, les théories du conditionnement et les approches systémiques.

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