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Dangers et travers de certaines positions théoriques expertales au nom d'une meilleure protection de l'enfant.

 

 

Positionné loin des conceptions et de la pratique du pédopsychiatre Maurice Berger, j’émets les plus grandes réserves sur l’objectivité des dires, écrits, pièces apportés aux dossiers des expertises demandées ou ordonnées en cas de maltraitance infantile ou de litiges sur les droits de gardes. En effet l’enfant, même adolescent, lorsqu’il est amené à témoigner pour ou contre un parent, se retrouve précipité dans la position intenable, de conflit de loyauté en devant juger ses parents pour son bien-être. On sait très bien qu’un enfant ou un adolescent ne peut par essence être objectif du fait même de son immaturité et surtout de son stade de développement psychoaffectif qui risque de le pousser à choisir plutôt un parent qu’un autre plus en vertu de ses conflits oedipiens réactualisés et non dépassés que dans l’intérêt de son équilibre ultérieur.

 

Dans les familles dysfonctionnelles ou en proie au déchirement se surajoute aux conflits infantiles de loyauté ou oedipiens, la fragilité des allégations parentales exerçant souvent des pressions psychologiques conscientes ou inconscientes en vue d’obtenir égoïstement certains avantages narcissiques et/ou économiques. Je renvoie le lecteur aux travaux portant sur le syndrome d’aliénation parentale (P.A.S) , très bien décrit par Gardner et de Boch-Galhau (www.rgardner.com), qui font état de la réalité des " lavages cerveaux " des enfants par l’un ou l’autre des parents réussissant souvent à mystifier juges et experts. Je le répète, la plupart du temps se joue autour de la garde des enfants, en dehors d’un besoin de restauration narcissique, des revendications économiques portant sur les pensions alimentaires ou les prestations compensatoires susceptibles de grever durablement l’avenir socioéconomique de l’un des parents ou de servir de rente économique voire d’exutoire, de vengeance dans une volonté de mise à mort. Le malheur c’est que très souvent ces " parents " dépressifs ou haineux n’hésitent aucunement, dans leur aveuglement, leur souffrance, leur folie ou leur position vengeresse, à donner en pâture leur(s) propre(s) enfant(s) à une justice de plus en plus aveugle, prudente voire lâche qui s’appuie sur des textes de lois totalement obsolètes.

 

Quant au rôle de l’expert, il reste, selon moi, très équivoque et certainement la plupart du temps bien néfaste dans la mesure où, dans sa mission, il lui est demandé de juger si l’un ou l’autre des parents est plus à même d’apporter les soins les plus adéquats pour l’équilibre de l’enfant. Or, selon les connaissances actuelles de la science pédopsychiatrique et de la psychologie, en dehors de très rares cas faisant état de sévices moraux et physiques réellement prouvés et non sur de simples allégations, il est établi indiscutablement que l’enfant a besoin fondamentalement de ses deux parents pour se construire quels que soient leurs qualités ou leurs défauts.

 

Ainsi Gauthier et coll. (6) partagent notre avis de la perversion du cadre de l’expertise d’enfants dans les affaires concernant le divorce des parents : "il faudrait également voir à l’élaboration de normes scientifiques et déontologiques susceptibles de mieux encadrer cette pratique et de minimiser, sinon d’éliminer le recours à des techniques d’entrevue ou d’observation dont le caractère fragile, voire douteux, a déjà été signalé par nombre d’auteurs".

Sans exagérer j’affirme comme le prouve régulièrement la clinique qu’un enfant ne peut se couper de ses liens de filiation sans dommages. En ce sens je ne partage aucunement certaines assertions dogmatiques du pédopsychiatre Maurice Berger, parlant de "ce qui serait le mieux pour l’enfant", développées notamment dans ses ouvrages intitulés "Les séparations à but thérapeutique"(3) et "Mes parents se séparent" (4) que la presse diffuse ou rapporte allègrement sous le couvert du discours d’un "spécialiste universitaire" (Le Figaro du 16 janvier 2003, Le Monde du 10 décembre 2003).

Il est à regretter que ses propos largement amplifiés voire très déformés par les mass médias ne laissent pas vraiment entrevoir par exemple la souplesse nécessaire quant aux bénéfices de la garde alternée pour les enfants bien que le pédopsychiatre se protège derrière l’argumentaire d’une garde évolutive au caractère manifestement rigide. En effet, comment peut-on accepter les habituelles prises en charge le week-end des petits de moins de 3 ans par leurs grands-parents, gardes de week-end qui sont par ailleurs refusées néanmoins à un père sous prétexte que "ce n’est qu’à partir de 3 ans que l’enfant devrait pouvoir s’éloigner de sa mère régulièrement pendant un week-end complet"?

 

 

Pourquoi donc les juges des affaires familiales (à forte représentation féminine) n’interviennent-ils pas pour interdire de "week-end sans enfant" toutes les mères qui désirent légitimement se détendre ou souffler un peu en laissant le soin de leur enfant aux grands-parents? Mais alors comment comprendre la position relativement dogmatique de Berger qui n’envisage pas la possibilité d’une garde alternée avant l’âge de 6 ans, alors que bien des enfants plus jeunes passent des semaines voire des mois de vacances entiers chez leurs grands-parents, oncles, tantes ou cousins sans aucun dommage apparent? Y aurait-il deux poids deux mesures entre les couples divorcés et non divorcés pour confier un enfant de moins de 3 ans à une tierce personne pleinement responsable? J’aimerais avoir une explication rationnelle! Je pourrais conseiller peut-être à Maurice Berger de revisiter "son expérience" au regard du syndrome d’aliénation parental (PAS) qu’il semble ignorer ou n’avoir jamais rencontré au cours de ses expertises. Pour ma part, j’affirme qu’il est indispensable que l’enfant puisse entretenir régulièrement avec chacun de ses parents des relations suffisamment longues et fréquentes afin qu’il puisse les connaître, se repérer par rapport à chacun d’eux en négatif ou en positif même si l’un ou l’autre est fou, délinquant ou atteint d’incurie. Seule cette disposition lui permettra de s’autonomiser psychiquement une fois devenu adulte. En effet, il n’est rien de plus déstructurant pour un enfant que de le laisser se construire dans sa tête des fantasmes de figures parentales "irréalistes" (dévalorisées ou extraordinaires) pour combler un vide qu’aucune réalité ne pourra jamais contrecarrer encore moins celles de parents adoptifs qui ne ferait que masquer le problème comme le préconise Berger. Bien sûr, en cas de franches perturbations psychologiques, relationnelles ou d’accueil, il est indispensable de pouvoir ordonner des dispositions d’aide matérielle et psychologique pour chacun des membres de la famille (père, mère, enfant). Des entrevues familiales sous médiation devraient être imposées et non simplement proposées par le juge, comme c’est le cas actuellement en France, ce qui permettrait d’éviter les manipulations ou les dramatisations au sein de certaines configurations familiales dysfonctionnelles. Toutes ces nouvelles dispositions souhaitables ne peuvent se mettre en place qu’avec une volonté affirmée de se doter enfin de tous les moyens législatifs, humains et financiers qui ont su par ailleurs (Québec) donner des résultats plus que probants. 

 

Mais pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple comme semble le suggérer Maurice Berger (5) ? Arracher un enfant à sa filiation n’est certes pas un drame. Boris Cyrulnik le démentirait certainement même s’il observe la réalité clinique des enfants de la résilience. C’est bien grâce à la naïveté de certains lecteurs superficiels de notre joyeux et chaleureux éthologue que nous pouvons encore et toujours en toute tranquillité d’esprit continuer à nous voiler la face jusqu’au jour peut-être où certains résilients de séparation parentale arriveront à gâcher leur vie ou à se suicider des années après. Mais saura-t-on capable alors de faire le lien ?

 

 

 

 

Références:

 

1) Kiss L. Des processus de changement. Ed. Karpathos, 2002.

2) Kiss L. Arrêtons le massacre, séparations des parents, incidences pour les enfants. Ed. Karpathos, 2003.

3) Berger M. Les séparations à but thérapeutiques.1992.

4) Berger M. Mes parents se séparent. Ed. Albin Michel, 2003.

5) Berger M. L’échec de la protection de l’enfance. Ed. Dunod, 2003.

6) Gauthier L. et coll. Enfants et parents devant la justice. Psychiatrie, recherche et intervention en santé mentale de l’enfant, Prisme, vol.7, n°1, printemps 1997.

 

 

2- Lien familial, une affaire de lien.

 

 

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