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10- Réponse à la Psychologie simpliste

Je me sens obligé d’apporter quelles précisions au contenu de l’article (CI n° 669, p. 40-41) "Vous souffrez? N’en parlez surtout pas à un psy." pour étayer la thèse du psychologue américain George BONANNO sur les méfaits paradoxaux des psychothérapies et les bienfaits du refoulement. Cette thèse qui n’est pas nouvelle est dans la ligne droite de celle du concept de résilience tant à la mode et véhiculé par les mass-médias comme mécanisme de défense plutôt "efficace" afin de "digérer" certains traumatismes physiques et psychiques.  En effet c’est malheureusement seul le recul du temps qui permet aux professionnels de constater l’impact des traumatismes et de mieux conceptualiser les éventuels facteurs pernicieux entretenant les troubles constatés. Si le plus souvent, passé une petite période de stress, tout semble rentrer dans l’ordre "tranquillement", il est néanmoins constant d’observer à moyen ou long terme (20 à 40 ans après) des troubles de la structuration de la personnalité profonds que révèlera la qualité de la vie relationnelle ultérieure du sujet. Il est tout de même important de préciser que l’intervalle de temps libre entre la constatation des troubles psychoaffectifs ou comportementaux et certaines situations de traumatisme est parfois si grand qu’il est souvent très difficile d’établir et d’affirmer un lien de cause à effet. Pour plus d’information, nous invitons le lecteur à se renseigner précisément sur les récents travaux statistiques (von Boch-Galhau) faisant état de fortes corrélations entre l’observation de troubles psychopathologiques et des situations de traumatismes difficilement vécues dans leur réalité ou leur subjectivité. 

 

Plus que des guerres d’opinions ou de pouvoirs, entre notamment sociologues, psychologues, psychiatres et psychothérapeutes, nous souhaiterions ardemment un vrai dialogue et de sérieux travaux synergiques. Ils arriveraient enfin certainement à dégager des constantes pathologisantes ou favorables qui nous permettraient de poser objectivement les limites à ne pas dépasser en infirmant ou confirmant l’adoption de certaines positions dans nos discours, attitudes ou comportements dans la prise en charge des victimes de traumatismes.  En effet, quel penseur, psychothérapeute ou sociologue pourrait encore aujourd’hui affirmer que les violences tant réelles que subjectives ne laissent pas de traces? Peut-être quelques adaptes ayant mal compris Boris Cyrulnik qui nous servent à qui mieux mieux la tarte à la crème de la résilience avec son "tricotage" que tout un chacun s’empresse de récupérer comme bon lui semble afin de pouvoir continuer à se voiler la face sur soi-même ou son entourage sans trop se poser de questions dérangeantes. Ce concept, trop médiatisé, est selon nous doublement pernicieux du fait d’un risque surajouté de récupération par certains décideurs (politiques, sociologues ou psychothérapeutes bien en vue) qui tenteraient de justifier un laisser-faire au nom d’un "droit à la différence" socio-éducative ou d’un devoir de "non-ingérence" dans la vie privée des personnes et des familles. Serge Tisseron parle même dans certains cas de "monstres dormants , adaptés et généreux, tapis au creux de personnalités meurtries…jusqu’à ce que des circonstances exceptionnelles les révèlent". 

 

Quant à nous, nous préférons des études plus objectives sur des bases épidémiologiques sérieuses de longue haleine menées de concert par des équipes interdisciplinaires encadrées par un esprit critique d’analyse de données comme le fait très bien Jean Cottraux dans son domaine. En effet comme l’a dit pertinemment Jean-Claude Lavie : "nous vivons entourés par des ensembles conceptuels de toutes sortes, qui naissent, se maintiennent, s’épanouissent et exercent, à notre insu, leur totale emprise sur nous" avec le risque de nous trouver en fin de compte devant notre "perplexité à décider si la tolérance doit tolérer l’intolérance." 

 

Espérons que les 150 000 dollars de la National Science Foundation versé aux recherches de George BONANNO lui permettront d’observer sur au moins 40 ans les victimes du 11 septembre pour éviter de lui faire dire n’importe quoi sur le court terme.

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